Le Premier Ministre François Fillon a officialisé la création d’Etalab, une mission interministérielle qui aura en charge la création d’une plateforme nationale de mise à disposition des données publiques de l’Etat.
« Le principe est de permettre un accès aux données brutes, il n’y a pas d’éditorialisation ou de communication du gouvernement sur ce portail. Il s’agit d’un site permettant l’accès et l’utilisation des informations publiques dans un souci de transparence. »
Tous les types de données publiques sont visés a priori, depuis les informations de géolocalisation jusqu’aux budgets votés.
Cette démarche est formalisée par un décret du 21 février qui nomme Séverin Naudet à la direction de l’équipe qui aura pour objectif de rattacher la France au groupe des Datagov. La plateforme nationale, dont on pourrait envisager le lancement fin 2011, sera d’ailleurs hébergée sous une joyeuse appellation franco-saxonne à l’adresse « data.gouv.fr ».
Ce projet attendu de longue date avait déjà été évoqué dans notre article sur le rapport Riester et nous avions fini par le nommer « l’arlésienne » tellement on en entendait parler, tellement il ne se passait rien. C’est donc une bonne nouvelle et les annonces officielles apportent quelques réponses à ces questions datant de l’année dernière. Quatre points sont à noter:
1. Une appellation qui pourrait faire référence
L’initiative d’Etalab est intéressante car elle va sans doute servir de base de développement aux prochaines plateformes et constitue donc un moyen d’harmoniser les pratiques.
Puisque Etalab a choisi le domaine data.gouv.fr, doit-on envisager des futurs noms de domaines type : data.ville.fr ? Ce qui arrangerait data.rennes mais risque d’ennuyer opendataparis.
2. L’administration créatrice de services
Etalab […] développera de nouveaux services en ligne
On en revient à la question débattue à Capcom entre Rennes et Regardscitoyens : L’administration a t-elle pour rôle de créer des services ou de faciliter un contexte de création externalisée ? Quels types de services relèvent de la responsabilité de l’administration ?
3. L’accueil des données des collectivités
Le décret nous apprend à l’article 2 que les collectivités pourront utiliser cette plateforme nationale pour y héberger leurs données.
Les exemples étrangers semblent pourtant justifier de la pertinence du système de répartition par niveau: données locales sur les plateformes locales, données nationales sur les plateformes nationales. Chaque possesseur de données gère sa propre plateforme ce qui facilite grandement la lisibilité.
Cette option destinée aux collectivités est-elle prévue pour faciliter leur passage vers l’opendata ? Pour leur éviter d’avoir à investir dans la création d’une plateforme ? Cependant d’autres initiatives nationales existent déjà pour héberger leurs données (nosdonnees ou data-publica) ou pour réutiliser des modèles de plateformes existantes et limiter ainsi les investissements de chacunes.
D’ailleurs, il est fort possible que les collectivités suivent le même raisonnement que pour la création de leurs sites internet en privilégiant une vitrine personnalisée et l’image forte qui y est associée. Sans compter l’effort sur la valorisation qui peut impliquer notamment l’animation d’une communauté, or difficile d’avoir un accès clair et une identité forte si les données locales sont noyées dans l’amas national.
Mais comme indiqué dans le décret, cet hébergement n’est qu’une possibilité en option.
4. L’absence de positionnement sur les licences
Etalab ne se positionne pas clairement sur la question des réutilisations commerciales: payant ou pas ? Le communiqué de presse indique qu’il y aura un « accès libre » aux données. D’où notre question : « libre » as in free speech or as in free beer ?
Si les anglophones n’ont qu’un même mot pour dire « libre » et « gratuit », la langue française est riche du mot « gratuité », il est donc étonnant (ou pas?) de constater que le terme n’a pas été énoncé. Et encore là, il n’était question que d’accès, pas de réutilisation…
Mais certains acteurs semblent très au fait sur le positionnement d’Etalab, Tel ce site de consulting qui indique :
« Etalab, la référence de l’opendata en France […] un site unique regroupant la totalité des données publiques disponibles et accessibles sous conditions aux “acteurs privés”. Ainsi l’État valorisera les données dont il dispose à travers la plateforme Etalab moyennant une redevance. »
Et de proposer leurs services aux collectivités pour organiser la vente de leurs données «la réutilisation pouvant parfaitement donner lieu à redevance »
Il faudrait quand même préciser à leurs futurs vict. clients que la loi n’autorise la vente qu’à hauteur du coût de mise à disposition de la donnée.
Avec ce genre de discours, il serait bon qu’Etalab précise son positionnement sur les licences. Le flou actuel a t-il pour objectif d’éviter les débats sur une question qui n’est pas encore tranchée en interne ? Ou doit-on y voir une réelle volonté de monnayer la réutilisation commerciale des données ?
PS : On attend également le correctif officiel de Nantes quant aux licences d’utilisation de leurs données. A notre connaissance rien n’est paru depuis que nous avons relayé leur message de malentendu mais si la voix officielle c’était libertic, nous indiquons que nous n’acceptons pas une rémunération sous forme d’intéressement sur les futures ventes de données 🙂
[…] This post was mentioned on Twitter by Authueil, Richard Akerman, Silvae, Aimée Potter, Adriel Hampton and others. Adriel Hampton said: RT @Authueil RT @RegardsCitoyens: #EtatLab, des questions en suspens http://bit.ly/fIxE0A par @LiberTIC #France … http://bit.ly/hv0L5q […]
le site de consulting cité n’a rien à voir avec Etalab, c’est du domaine squatting à mon avis. Et le décret et le communiqué disent le contraire, « mise à disposition libre de l’ensemble des données » : http://bit.ly/fIeKkz
A suivre…
Pour compléter sur le point numéro 3 « L’accueil des données des collectivités », noter également le projet Datalift (http://datalift.org/), financé par l’ANR qui a commencé depuis quelques mois et dont l’objectif est de fournir une plateforme pour publier et interconnecter des données publiques.
Cette plate-forme sera hébergée chez l’un des partenaires pour ceux qui souhaitent y déposer leurs données ou disponible pour une installation locale.